Edvige : Une "liberté" sous Contrôle...

Nos libertés fondamentales sont de plus en plus compromises. Depuis les événements tragiques du 11 septembre 2001, la plupart des pays occidentaux se sont alignés sur les États-Unis et ont adopté des lois autorisant la surveillance de l'ensemble des individus. Depuis ce jour, nos libertés sont restreintes sous le prétexte de la sécurité intérieure.

Les progrès de la technologie permettent à nos dirigeants de nous suivre à la trace par l'intermédiaire de nos cartes de crédit et de nos cartes bancaires, des cartes de fidélité délivrées par les grandes surfaces, de notre portable, notre GPS, notre carte d'identité, notre passeport. Les caméras placées aux différents points stratégiques de notre ville, les puces apposées sur l'ensemble des articles que nous consommons, le réseau Internet... nous épient. On sait que le système Windows et Internet Explorer intègrent et permettent de sonder le contenu de notre disque dur, à notre insu. Les téléphones portables émettent en permanence un signal pour indiquer leur présence aux cellules réceptrices les plus proches. Ainsi, notre GSM permet de nous localiser à tout moment, même en position de veille car pour recevoir un appel, les systèmes doivent pouvoir localiser l'abonné. Et que dire du GPS de notre voiture ! Les dépenses effectuées avec nos différentes cartes permettent de retracer nos déplacements et de connaître très précisément les produits que nous consommons. Afin de mieux gérer les stocks, les systèmes informatiques des grandes surfaces mémorisent de façon conjointe les numéros de carte et les codes-barres des produits achetés. Cette association est potentiellement dangereuse. Des puces RFID sont incorporées dans un nombre croissant de produits de consommation afin d'assurer leur traçabilité et de lutter contre le vol à l'étalage. Elles sont identifiées au moment du passage à la caisse et peuvent être associée à la carte de crédit ou au chèque de l'acheteur, et donc à son identité. Ce que beaucoup de personnes ignorent, c'est que cette traçabilité demeure après l'achat. Ainsi, tous les produits que vous achetez sont susceptibles de devenir des "mouchards" permettant de vous localiser à chaque instant.
Nous sommes constamment sous haute surveillance électronique. Sous le prétexte d'assurer notre sécurité, on multiplie les caméras de surveillance dans les villes, le métro, les gares routières, les aéroports, les édifices publics et les bureaux. L'identification des individus dans une foule est devenue possible en raccordant ces caméras à des logiciels de reconnaissance faciale. Elle permet notamment de repérer des éventuels terroristes ou des personnes à l'apparence ou au comportement suspect... Avec la généralisation des cartes d'identité biométriques, le visage de chaque personne sera bientôt enregistré dans une base de données. Dans un futur immédiat, il sera facile de suivre le déplacement d'une personne donnée dans n'importe quelle ville.
On comprend immédiatement les dérives potentielles d'un tel système. Tous ceux qui adopteront un comportement un tant soit peu "différent" des autres risqueront de devenir pour les policiers des cibles potentielles. Un fait est sûr : nos activités, nos conversations, notre façon de nous alimenter, nos maladies, nos centres d'intérêts, nos passions, nos choix politiques, toutes ces données sont collectées, centralisées et mémorisées par des organisations publiques ou privées qui peuvent connaître à tout moment le profil type de chaque citoyen. Les fichiers des administrations et des sociétés privées (comme les Trois Suisses, La Redoute...) rassemblent de nombreuses données privées sur des millions de consommateurs. Ces données sont inoffensives tant qu'elles sont éparpillées dans les différents systèmes informatiques. Mais si on les centralise, elles peuvent devenir une puissante arme de contrôle.

ALERTE AU FICHIER EDVIGE !

"Celui qui est prêt à sacrifier un peu de liberté pour obtenir un peu de sécurité ne mérite ni l'une, ni l'autre" disait déjà fort à propos le Président des États-Unis d'Amérique, Benjamin Franklin. Etrange prédiction ou avertissement diront certains, car c'est pourtant bien vers ce scénario à la "Big Brother" que notre société aux valeurs démocratiques hélas bien fragiles, se dirige insidieusement depuis plusieurs décennies. Depuis longtemps déjà, nous sommes piégés, pistés. Nous nous trouvons sous l'emprise d'un dispositif censé pourtant améliorer notre confort de vie quotidienne et notre sécurité.
Ce qui est en train de se dérouler sous nos yeux, avec l'affaire très médiatisée du nouveau fichier Edvige, malhabilement préparé par le Ministère de l'Intérieur a eu le mérite d'alerter la population sur les dérives que pourraient occasionner certaines pratiques de surveillance des personnes, qui existaient depuis longtemps, à notre insu ! Largement critiqué par nos élus politiques et une partie importante de la population, l'épisode Edvige a démontré que nous étions entrés de plain pied dans le traçage systématique des concitoyens.
Le fichier Edvige est rattaché à la Direction Centrale de la Sécurité Publique (DCSP) et à sa nouvelle sous-direction de l'Information Générale (SDIG), à laquelle revient une partie des attributions des Renseignements Généraux (RG). Le fichier Edvige (pour Exploitation Documentaire et Valorisation de l'Information Générale policier) dont le décret de création est paru le jour même où entrait en vigueur la réorganisation issue de la fusion des Renseignements Généraux (RG) avec la Direction de la Surveillance du Territoire (DST, contre-espionnage). Nous voici sous l'emprise et la menace de nouvelles dérives visant non seulement à une surveillance généralisée de nos faits et gestes mais aussi à celle de nos différents comportements de pensées, comme si nous étions devenus subitement des délinquants potentiels. La République est-elle en danger où est-elle devenue prisonnière d'un système qu'elle ne contrôle plus ? Sommes-nous en train de vivre le même scénario qu'aux États-Unis depuis l'imposition dans du "Patriot Act" ? Rappelons que cette loi vise à unir et à renforcer l'Amérique (la loi du monde est celle du plus puissant) en lui fournissant tous les outils appropriés pour déceler et lutter contrer le terrorisme. Votée en octobre 2001 au lendemain des évènements du 11 septembre, cette loi a un goût amer pour les défenseurs des droits de l'homme car elle donne les pleins pouvoirs aux différentes agences de renseignements gouvernementales : FBI, NSA, CSS, DEA, NCS... Il ne s'agit pas seulement d'avoir accès à toute une série de fichiers allant de celui des lecteurs des bibliothèques aux simples utilisateurs d'une carte bancaire, mais d'avoir aussi la possibilité, en toute impunité, d'accéder à une série d'informations que l'on peut considérer comme confidentielles ou d'ordre strictement privé !
Fort des avancées technologiques modernes, en France comme partout ailleurs, il est devenu facile, par le biais d'une autorité gouvernementale ou de toute société privée de renseignements, d'infiltrer frauduleusement une série de banques de données. Que ce soit nos PC ou ceux dépendant de l'ensemble des administrations et des institutions, des réseaux commerciaux et culturels avec lequel nous avons régulièrement des contacts, c'est la fusion aux mains d'une seule et même autorité ou d'une seule personne de ces fichiers qui est préoccupante. Tout le monde sait que nos différentes cartes à puces sèment à chacune de leur utilisation une trace et une information qui est automatiquement archivée. Nul ne peut nier également l'utilité et l'intérêt de certains fichiers d'ordre médicaux ou en relation avec le domaine de la justice pour démasquer de dangereux criminels ou des terroristes. La récolte de renseignements censés garantir l'ordre public et la sécurité d'un pays a toujours été nécessaire au bon fonctionnement des démocraties mais avec le décret "Edvige", la tentative de légalisation de ce fichage systématique et généralisé, dès l'âge de 13 ans, des délinquants hypothétiques et des militants syndicaux, politiques, associatifs et religieux et par prolongement, des journalistes et des chefs d'entreprises et de tous ceux qui exercent un rôle dans notre société devient un véritable abus de pouvoir inacceptable et un réel danger pour nos démocraties. Sans que ne soit réalisé un débat public préalable, le gouvernement français, par un décret publié au Journal officiel du 1er juillet 2008, a considérablement accru les capacités de fichage des concitoyens.
Comme le rappelle une pétition soutenue par "La Ligue des Droits de l'Homme", ce fichage sera assuré à l'avenir, par la Direction centrale de la sécurité publique (fusion des Renseignements Généraux et de la DST). Rappelons que ce nouveau fichier policier qui exploitera de nombreuses données mais qui se verra peut être, sous le feu de la critique, diminuer d'un certain nombre de prérogatives, recensera toute personne "ayant sollicité, exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou économique ou qui joue un rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif".
Le fichage permettra la collecte des renseignements identitaires sur des "suspects" (personnes mais également groupes) considérés par la police, comme susceptibles, à l'avenir et de manière totalement hypothétique, de porter atteinte à l'ordre public. Il permettra de compiler les informations ayant trait à l'état civil et à la profession, les adresses privées, les numéros de téléphone, les adresses électroniques, les signes physiques particuliers, les différents comportements, le numéro d'immatriculation du véhicule, les informations fiscales et patrimoniales, les déplacements et antécédents judiciaires, les données relatives à "l'environnement" de la personne, notamment les individus entretenant ou ayant entretenu des relations avec elle. On pense aussi au volet concernant les préférences sexuelles, aux opinions politiques, philosophiques, religieuses, aux appartenances syndicales et associatives visés par ce décret...
Si en théorie, il est interdit de sélectionner une catégorie particulière de personnes à partir de ces seules informations, toutes les manipulations informatiques restent possibles. Heureusement, le traitement du fichier ne compone pas encore de dispositif de reconnaissance faciale à partir de la photographie mais nous n'en sommes pas loin. En outre, la police sera autorisée à le consulter en cas d'enquêtes administratives pour l'accès à certains emplois. Les mineurs ne seront pas épargnés puisque, fait sans précédent et particulièrement choquant dans notre république, leur fichage sera autorisé dès l'âge de 13 ans et cela, sur la seule base de leur dangerosité potentielle !
L'association GayLib, représentant les homosexuels de l'UMP, a demandé la suspension de ce fichier policier où pourraient être enregistrées des données sur l'état de santé ou l'orientation sexuelle du citoyen. Elle ne voit pas en quoi ces renseignements d'ordre privé peuvent être utiles à l'information du gouvernement ou à la prévention des troubles publics. Une pétition a été lancée le 10 juillet par le Groupe d'intervention et de soutien aux travailleurs immigrés (GISTI), la FCPE et le Syndicat de la Magistrature (SM). "Sans exception, toutes les personnes engagées dans la vie de la cité sont visées", estiment les signataires. Ils mettent en avant les "risques de comportements discriminatoires" qu'entraînerait la constitution de ce fichier qui risquerait de "rompre avec la pratique établie par le décret du 14 janvier 1991 qui ne prévoyait aucune collecte d'informations relatives à l'orientation sexuelle ou à l'état de santé". Sur Internet, le débat fait rage. La Ligue des Droits de l'Homme (LDH) est à la pointe du combat.
Le fichier Edvige réalise un amalgame entre les personnes considérées comme "susceptibles de porter atteinte à l'ordre publics" et les militants associatifs, syndicaux, politiques et aussi l'ensemble des citoyens sur lesquels le gouvernement souhaiterait en savoir davantage... Il ne s'agit plus ici de répertorier les auteurs d'infractions dûment constatées mais de cibler de futurs délinquants hypothétiques. Le soupçon préventif suffit à justifier le fichage. La LDH estime ce niveau de surveillance des citoyens discriminatoire et "incompatible avec un état de droit".
Pourquoi Edvige ne suscite-t-il un tollé général de protestations de la part des citoyens brimés dans leurs droits élémentaires ? Parce que bon nombre d'entre nous ne se rendent pas compte que sous le fallacieux prétexte de faire régner l'ordre public, Edvige représente un puissant moyen de dissuasion de toute forme de contestation ou d'opposition. Il porte atteinte aux valeurs essentielles de la démocratie. C'est la réprimande avant que le délit ne soit commis.
C'est une réponse anticipée face aux résistances collectives.
Le ficher Edvige est l'ouvre du gouvernement Sarkozy et nous savons que l'actuel président des français défend les mêmes orientations politiques que son ami George W. Bush. Au nom de la sécurité, ils prônent la réduction des libertés des citoyens au profit de l'accroissement de la répression policière. La sécurité est préférée à la liberté. Le peuple est persuadé que les valeurs de la démocratie sont acquises mais ils se trompent. Ces mêmes valeurs sont en train de lui être retirées petit à petit, par une poignée d'hommes avides de pouvoir en vue d'installer un Nouvel Ordre Economique Mondial... N'oublions jamais que dans le passé des millions de personnes ont donné leur vie pour ces mêmes libertés. Espérons que leur sacrifice n'ait pas été inutile.

DOSSIERS SECRETS D'ÉTATS N°4 > Octobre > 2008
 
   

Copyright © 2004 - C.S.M.