Da Vinci Code : La Vérité est Ailleurs

VENI, VIDI... VINCI. Telle pourrait être la devise de Dan Brown suite au succès monumental de son ouvrage et à la veille de la sortie en salle du film tiré du livre en question "Da Vinci Code". Plus de vingt millions d'exemplaires vendus, et probablement autant de futurs spectateurs de par le monde. Et même une floraison de bouquins analysant le Code sous la signature de spécialistes aussi importants que parfaitement inconnus. Ceci mérite donc une analyse autrement plus complexe que l'aventure relatée par le thriller ésotérique en question, c'est pourquoi je présente d'ores et déjà mes plus plates excuses aux admirateurs de Dan Brown.

Curieusement, la seule véritable relation entre ce livre et Vinci est la façon d'écrire : la grande majorité des textes du génie italien ne peuvent être lus que via un miroir. Il en va de même du Code : au-delà des aventures rocambolesques des héros, le thème est - vu au travers d'un miroir passablement déformant - celui défendu par trois auteurs anglais dans leur ouvrage "Le Message - L'énigme Sacrée". Henry Lincoln, Michael Baigent et Richard Leigh n'hésitent pas à unir Jésus et Marie-Madeleine afin de fonder une famille dont serait issue la dynastie mérovingienne.
J'ai énormément d'estime pour le travail d'enquête accompli par ces trois Messieurs, mais j'avoue ne pas réussir à partager leurs conclusions. Pour plus ample informé, relisez donc Top Secret N°14. Cette estime bien réelle ne m'empêche pas non plus de me poser quelques questions. Pourquoi ces trois auteurs ont-ils attendu que vingt millions de Codes soient vendus avant de déposer plainte sous prétexte de plagiat, le tout au nom de la propriété intellectuelle ? à ce train-là, il va falloir payer des royalties aux descendants d'Euclide chaque fois que l'on parlera du carré de l'hypoténuse...
Pourquoi leur a-t-il fallu tout ce temps pour découvrir le plagiat, alors qu'ils ont le même éditeur que Brown aux états-Unis ? Parce que l'on approchait de la date de sortie du film (17 mai) ? Il faut quand même bien constater qu'une bonne petite procédure bien relayée par la presse constitue la meilleure et la moins chère des publicités. Est-ce à dire que je soupçonne une collusion entre les trois Anglais et Brown ? Loin de moi cette idée. Je me suis contenté de constater des faits et de me poser des questions. Point. Ce qui veut dire que ce qui va suivre ne constitue qu'une hypothèse au départ de faits établis, et en aucun cas une argumentation diffamatoire. Une des autres questions que je me pose est celle-ci : pourquoi un tel succès pour un bouquin qui n'est jamais qu'un banal thriller pour quais de gare, alors que les autres ouvrages de Brown sont restés pour le moins confidentiels ? Y aurait-il eu soudain une étincelle de talent, voire de génie ? Ou bien autre chose ? Examinons donc le livre dans sa forme et ses affirmations, et tout d'abord celle-ci, en première page : ''Toutes les descriptions de monuments, d'ouvres d'art, de documents et de rituels secrets sont avérées". Textuel. Et on se demande pourquoi la Vénus de Milo a laissé tomber les bras !

1/ Vous pouvez aller voir St-Sulpice (par vous-même, sans guide). Rien ou presque de ce que décrit et raconte Brown n'est exact. De plus, il se trompe dans la disposition du Louvre et localise des rues de Paris dans de mauvais arrondissements.
2/ Le "Prieuré de Sion" est une association paramaçonnique constituée sous forme légale d'Association de fait par enregistrement à Annemasse en 1952. Il était constitué d'une trentaine de braves types un tantinet illuminés tout fiers de faire secrètement partie d'une "élite". Où la vanité ne va-t -elle pas se cacher ?
Par contre, celui qui en fut élu Grand-Maître, Pierre Plantard, était un individu de tout autre calibre : érudit et remarquablement intelligent. Je l'ai connu. J'ai aussi très bien connu celui qui fut son bras droit durant toute cette aventure, Philippe de Chérisey : un extraordinaire érudit, un poète doublé d'un excellent acteur (Jeux Interdits, L'éternel retour, Porte des Lilas, etc.), doué d'un sens de l'humour hypertrophié, mais surtout un dilettante, comme il le disait lui-même. C'était un de mes trois amis. Philippe l'avait compris alors que Plantard ne s'en était pas rendu compte ou ne voulait pas l'admettre, mais le Prieuré et son Grand-Maître étaient manipulés par un petit groupe de gens aussi discrets qu'importants par leur pouvoir financier ou même politique en France et ailleurs.
Pierre Plantard et Philippe sont décédés. Gérard de Sède aussi, celui qui a "lancé" la vogue de cette histoire. Noel Corbu, Henri Buthion et quelques autres... Tous ceux de "la première heure" sont morts (En fait, il en reste deux, parfaitement silencieux jusqu'ici, sauf dans TS N°14). Donc, on peut dorénavant sortir à son aise n'importe quelle fumisterie sur ce sujet ou au départ de celui-ci : le "fabuleux trésor et le mystère de Rennes-le-Château". Brown a seulement l'habileté de n'en parler que par allusions (les noms des personnages) et par référence à St-Sulpice, dont les prêtres avaient analysés les fameux parchemins de l'abbé Saunière. Et parmi ceux-ci, l'abbé Emile Hoffet, qui avait fait ses études à Liège. Le monde est plus petit que Brown ne le croit.
En fait, la plupart des bouquins sortis ces dernières années et tournant autour du sujet n'ont qu'un seul but : détourner l'attention de Rennes et la focaliser sur la chapelle de Rosslyn, au Sud d'Edimbourg, dans laquelle, s'il y a bien également une énigme, celle-ci n'a rien à voir avec l'autre sinon la similitude phonétique des noms : Rosslyn (la chapelle) et Roseline (Sainte Roseline de Villeneuve, une des clefs de Rennes), ainsi que la Rose Li(g)ne, surnom, du méridien local. Les deux tout premiers livres à foncer dans ce sens (le mariage de Jésus et de Marie-Madeleine) furent "L'Énigme Sacrée" et "Le Message", de Lincoln, Baigent et Leigh déjà cités.
D'eux, il faut reconnaître que leur étude documentaire et leur enquête furent remarquables. Quant à leurs conclusions... Ces livres sont en fait un excellent moyen de détourner les chercheurs superficiels vers une superbe fausse piste, et - par conséquent - de garder à l'œil ceux qui persisteront à chercher au départ de Rennes.
Et je serais curieux de savoir qui a financé - donc piloté - cette floraison de bouquins et leur succès. Je peux vous dire qu'il y a parmi ces gens un vice-président d'une des plus grosses banques américaines, dont on a parfois dit qu'il était le patron occulte du Prieuré, et dont un parent, notaire à Londres, a été longtemps le dépositaire des parchemins de Saunière.
3/ L'Opus Dei. Ou plutôt, l'Octopus Dei... Celui qui me connaît sait mon aversion féroce pour cette secte répertoriée comme telle par la commision parlementaire belge, au même titre que bien d'autres. Mais l'honnêteté m'oblige à reconnaître qu'il n'y a pas un mot de vrai dans ce que Brown raconte à son sujet.
4/ Ce qui constitue le thème de Brown, identique aux conclusions des trois Anglais : le mariage de Jésus et de Marie-Madeleine à Cana, qui aurait donné la lignée mérovingienne, thèse également soutenue par Plantard, qui s'en disait le dernier descendant en ligne directe et qui faisait bien rigoler Philippe... en privé.
Certains connaissent déjà ma version des faits, mais je me fais un plaisir de la répéter : Jésus assistait au mariage d'un de ses demi-frères (issus d'un précédent mariage de Joseph avant qu'il n'épouse Marie) avec Marie-Madeleine. Lequel demi-frère et son épouse ont eu des enfants, qui ont grandi et ont fini par appeler Jésus "Tonton". D'où l'expression encore actuelle : "Avoir un Oncle incarné". Cela situe ce que j'en pense.
5/ La thèse des analystes du bouquin en question. Car il y en a, et même certains qui se présentent comme profs d'univ et spécialistes des religions. Mais si ! On en est à 22 bouquins prétendant "décrypter le Da Vinci Code", notamment ceux de Frédéric Lenoir et Marie-France Etchégoïn. Donc, les spécialistes en question affirment gravement qu'on ose enfin réhabiliter le rôle de la femme dans l'Église. Commentaire : l'Église n'a jamais nié le rôle exceptionnel de Marie-Madeleine ni le privilège qui lui fut accordé d'être la première à constater la résurrection. Et ne parlons même pas du rôle de Marie Médiatrice, Mère de Dieu... Ne parlons pas non plus d'une flopée de Saintes de tout acabit, lesquelles, en tant que religieuses et non pas contestataires athées, n'ont jamais réclamé la prélature ni le cléricat pour elles-mêmes...
Le "machisme" de l'Église n'a jamais été prôné ni prêché par le Christ ; il provient de la continuation des traditions de la Synagogue et de la "révision" des textes sacrés lors d'un concile du IV' siècle afin de "définir le dogme"... et d'asseoir le pouvoir économico-politique naissant de l'institution. "Réhabiliter la femme dans l'Église", pour autant que l'on n'impose pas des quotas comme en politique et que chacune et chacun reste libre de sa vocation, je ne demande pas mieux. Mais de là à faire de Brown un précurseur en la matière... Au secours ! Kafka, à moi !
6/ Le style du texte. Un rebondissement toutes les deux pages et des deus ex machina à tout bout de champ, c'est du comic-strip, pas de la littérature. Tous ceux qui ont lu Patricia Cornwell ou John Case savent ce qu'est un vrai thriller, même sur le sujet qui nous occupe dans le cas du "Genesis" de Case. De même pour ceux qui auront lu, toujours dans le même cadre, "Le Cercle Magique" de Kaherine Neville (à condition de ne pas attraper des maux de tête en essayant de débrouiller la généalogie de l'héroïne...) Ces trois auteurs ne jouent manifestement pas dans la même division que Brown.
7/ Il y a encore quelque chose qui me tarabuste dans cette histoire. Je l'ai dit plus haut, Brown a la prudence de ne jamais parler de Rennes sinon par allusions particulièrement discrètes. Or, (je cite un article du Web) "Le Journal de l'Ariège" du 24 au 30 septembre 2004, N°587, relate le tournage d'un film historique inspiré du Da Vinci Code de Dan Brown par une équipe de "North Hollywood" sur le site de L'Espinet à Foix. Elle travaille pour le compte de la chaîne américaine "History Channel". Quelques coups de téléphone m'ont permis de savoir que cette équipe filmait également au château de Lordat, château qui appartenait à Madame la Comtesse de Pujol-Murat, la protectrice de... Otto Rahn avant qu'il ne devienne Rudolf. Vous avez dit "Bizarre" ?
8/ Quant à celles et ceux qui voudront approcher d'un peu plus près le fond, la trame et les développements actuels de cette histoire (celle de Rennes et ce qui en découle), je ne saurais trop leur conseiller de lire attentivement le numéro spécial de Top Secret (N°14), à nouveau disponible chez l'éditeur. Il se rendront rapidement compte que... LA VÉRITE EST AILLEURS !
Un dernier petit mot. Les "spécialistes" s'accordent à qualifier l'ouvrage de Brown de thriller ésotérique. Pour ma part, je n'y ai strictement rien vu d'ésotérique, ni même d'approchant, si ce n'est cette histoire de mariage de Jésus et Marie-Madeleine. Les distributeurs du film ont peut-être été plus fins, qui le font sortir le 17 mai. 17+5 = 22, et 22, en Kabbale, signifie que "l'ouvre est achevée". Espérons-le.
Paul Rouelle Pour contacter l'auteur, écrire à la rédaction : roch@topsecret.fr

TOP SECRET N°24 > Avril-Mai > 2006
 
   

Copyright © 2004 - C.S.M.